Jouant sur des ambivalences de formes concrètes et abstraites, documentaires et imaginaires, minimales et foisonnantes, le travail pictural de Nelly Monnier commence en voyage avant de se composer à l’atelier. Les échantillons qui lui servent à peindre sont extraits de l’ensemble des paysages visités. Décoratifs ou utilitaires, ayant une ambition artistique, rituelle ou signalétique, les objets et motifs de la collection photographique qu'elle mène depuis quelques années manifestent tous le désir commun de signifier et d’embellir le chez-soi, par la forme et la couleur, et de se singulariser. Ils sont une déclinaison populaire de l’idée du beau et de l’utile.
Pour autant, sa peinture ne cherche pas à reproduire le cadrage ou l’instantanéité de l’image photographique, celle-ci lui servant seulement à réactiver le contexte dans lequel elle a été prise, lui rappeler un motif, une impression. Les ensembles de toiles qui en résultent immergent le visiteur dans une couleur dominante, un matériau, une saison, ou encore un sentiment comme récemment dans l’exposition "Parpaing/Chagrin". Sur grand format, des sujets sculpturaux sont réagencés par affinité dans des décors naturels. Parmi eux, des tableaux abstraits de taille plus réduite viennent créer des correspondances de formes et de couleurs. La signalétique de PME y côtoie des fresques de HLM des années 70 et des sculptures de jardin évoquant des rites païens.
Plus récemment, la série "Braconnage" reprend l’idée d’emprunt sauvage de formes et de teintes dans les campagnes françaises. Dans cet ensemble, en apparence, deux abstractions se côtoient : d’une part une végétation simplifiée dans son dessin et son nuancier, dont les teintes opaques aplatissent le sujet à l’avant du tableau, et d’autre part une signalétique industrielle qui semble être la cristallisation géométrique de ce même nuancier. Mais si l’extrait de paysage subit un travail d’interprétation (de dénaturation), la signalétique est reproduite de manière fidèle, c’est une peinture figurative qui reprend de manière réaliste une abstraction géométrique existante et cherche à retrouver le geste technique du peintre d’enseigne. Si nous pensions reconnaître la représentation d’une réalité dans cette série, elle n’est pas tant dans les motifs naturels qui nous évoquent le camouflage (technique mise au point par un jeune peintre enrôlé dans la première guerre mondiale) mais au contraire dans la reproduction fidèle de ces peintures utilitaires.
"Braconnage" est donc un ensemble de diptyques dans lesquels les formes culturelles côtoient les formes naturelles sans s’opposer au sein d’une même peinture mais au contraire en dialoguant, côte à côte, tout comme le font les signes qui s’intercalent dans un paysage que l’on traverse.
Playing with the ambivalences of concrete and abstract, documentary and imaginary, minimal and abundant forms, my pictorial work begins on the road before it is composed in the studio. The samples I like to paint are taken from all the landscapes I have visited. Ornamental or utilitarian, with an artistic, ritual or descriptive ambition, the objects and patterns of the photographic collection I have been gathering for some years all manifest a common desire to express and embellish homes with shapes and colours. They aim to be distinctive. They are a popular version of the idea of the beautiful and of the efficient.
However, my painting does not intend to reproduce the framing or the immediacy of the photographic image. It is only meant to reactivate the context in which it has been taken, or to remind me of a pattern, or of an impression. The resulting groups of paintings immerse the visitor in a prevailing colour, a material, a season or even a feeling like recently in the exhibition Parpaing/Chagrin. On a large format, sculptural subjects are rearranged by affinity in natural settings. Among them, abstract paintings of a smaller size create echoes of shapes and colours. The features of small businesses are placed next to frescoes of low-income housings of the 70’s and garden sculptures evoking pagan rites.
More recently, the series Braconnage goes back to the idea of the wild borrowing of shapes and hues in the French countryside. In this set, two abstractions are placed next to each other: on the one hand a picture of vegetation with simplified design and shades and whose opaque hues flatten the subject on the foreground of the painting, and on the other hand the industrial elements which seem to be a geometric crystallization of these very shades. The piece of landscape goes through a process of interpretation (of denaturing), but the industrial elements are precisely reproduced; it is a figurative painting that adopts in a realistic way an existing geometric abstraction. It aims to rediscover the technical gesture of the signs painter. If you thought you were recognizing the representation of reality in this series, it is not so much in the natural patterns that evoke camouflage (a technique invented by a young painter enrolled in World War I) but on the contrary in the accurate reproduction of these utilitarian paintings
Braconnage is therefore a group of diptychs in which cultural forms encounter natural forms in a same painting, not in opposition but on the contrary in a dialogue, side by side, much as the signs that are inserted in a landscape you go through.