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Les enfants du Sabbat 14
Exposition collective
au Creux de l'Enfer
du 15 mars au 28 avril 2013



Nelly Monnier s’intéresse, pour avoir écrit son mémoire de cinquième année d’école d’art sur le sujet, au farniente, à ces moments de paresse, de vacances, de repos plus ou moins choisis ou contraints, réels ou fantasmés. De fait, un de ses travaux, une série de photographies imprimées, saisissait l’image d’individus batifolant (Piscine). C’est ainsi peut-être davantage les lieux, les bâtiments, les architectures du divertissement qui intéressent la jeune artiste. Les piscines, telles qu’elle les montre, proposent leur eau bleue et chaude dans un environnement bétonné et très quadrillé. Plus tard, Nelly Monnier aborde en peinture un sujet assez proche, en représentant des paysages montagneux, des plaines envahies de broussailles où dominent les teintes verdâtres, brunâtres, dont l’indistinction se nourrit d’autant mieux de la touche impressionniste de la gouache et de l’aquarelle. Ce sont des lieux en friche — au moins sur la toile —, des zones intermédiaires, des espaces au repos où pointent, minuscules, quelques édifices. A l’image, dans Pirita, de cette architecture rectiligne aux lignes pures et modernistes qui se dresse, au milieu de nulle part ou presque, au bord d’une étendue d’eau bleue glacée et en lisière d’une forêt noire. A l’image encore de cet autre tableau, Tallin-Riga II : une vaste étendue de glace ou de neige investie par de discrets promeneurs, infimes silhouettes noirâtres peinant à se distinguer sur ce paysage blanc où pointe pourtant bizarrement, au premier plan, une forme cubique dont le rouge éclatant, insolite, attire l’œil. La peinture, la composition, les couleurs jouent ici à accuser les trouées qu’opère parfois l’architecture dans le paysage. A travers ces surgissements impromptus, presque de l’ordre du fantastique, c’est aussi le paysage romantique en tant que genre pictural dont l’artiste signifie l’évanescence, la disparition à l’époque contemporaine. Derrière l’apparente tranquillité et l’académisme de ces paysages, se révèle en somme un bouleversement esthétique. D’ailleurs, la catastrophe est un des autres motifs traités par Nelly Monnier : Sendai est une série de petits dessins dont les motifs sont nettement reconnaissables pour avoir été photographiés, filmés et diffusés massivement dans la presse après le tsunami qui frappa le Japon en mars 2011. Les saynètes dessinées sont incongrues, elles relèvent d’un hasard chaotique, spectaculaire autant qu’incompréhensible : un bateau échoué au milieu d’un lotissement, une bâtisse en feu, cernée par les eaux, des avions à terre — mal — garés contre les voitures, elles-mêmes de guingois. Inscrites au milieu de la page blanche, flottantes, les images du désastre sont tracées et colorées, au crayon de couleur, avec une naïveté assumée.

Judicaël Lavrador
Texte extrait du catalogue Les enfants du sabbat XIV, 2013
collection « Mes pas à faire au Creux de l’Enfer »